Été 2006, des gravures de Jean Capdeville achetées à la Fondation Maeght nous avaient portés à Cérêt, là où vivait le peintre. Un appel d’Odile Oms nous ouvrit les portes de son atelier, pourtant réputé fermé. Son atelier, une grande maison à étages, aux vastes pièces dépouillées de meubles, aux murs nus, auxquels quantités de toiles s’adossaient, n’offrant que leur dos, de grands cartons à dessins aux cordons noués, toute une œuvre à l’écart du regard, une atmosphère monastique où, tout déroutés, nous tentions de trouver les mots justes vers le point de contact. L’artiste nous reçoit avec réserve, puis peu à peu, nous accueille dans les pièces, retourne ça et là quelques toiles, ouvre deux ou trois cartons tout en évoquant la philosophie et Simone Weil, la montagne proche, le mas Favol où il peignait l’été, la rivière et enfin sa mère. Près des toiles sur fond noir, il se livre à petites touches : ce noir mat est celui du deuil que sa mère endosse à son veuvage en 1918 jusqu’à son décès soixante ans plus tard. Retrouver la matité du noir des robes tricotées de sa mère, c’est renouer avec sa présence, renouer avec l’origine, et pour reprendre sa citation, c’est aussi « danser dans le drame ». Le vernis noir des croix, les graffiti à la craie, parmi lesquels sa signature s’enroule, sont l’écriture à la fois ténue et tangible d’un corps à corps avec sa quête de liberté intérieure, de lucidité.
« Pour ceux qui sont près de la terre, du sol où ils sont nés, il doit y avoir une effervescence tellurique plus intense entre les forces du sang et celles du sol. Mais il n’est jamais sûr que ce n’est pas un leurre. Alors on se raccroche à des choses ténues. On joue sa chance. On essaye de ne pas la perdre. On colmate les brèches dans l’espoir que les choses ne sont pas fermées, ne sont pas mortes. Le terrible, c’est que nous ne sommes jamais dans la nécessité. Jamais nous ne nous présentons de face. Toujours de côté ; sauf par-delà les facultés. » Jean Capdeville