Lithographie originale, signée par l'artiste, 1962.
Après
l'effroi de la Première guerre mondiale, Georges Braque tourne la page
du cubisme. Dans le repli de son atelier, son œuvre se fera singulière,
hors des mouvements artistiques.
Dès 1929, l'oiseau apparaît dans
ses oeuvres, thème qu'il creusera, surtout après la seconde guerre
mondiale, jusqu'à sa mort en 1963, et ce tant dans son oeuvre peint que
dans ses estampes.
Oiseau traversant un nuage, Vol de nuit,
L'oiseau de feu, Dans le ciel, Au couchant, Oiseau des forêts, Astre et
oiseau, Résurrection de l'oiseau, Thalassa, L'oiseau et son ombre,
L'envol, L'oiseau dans le feuillage, Oiseau en vol, Equinoxe, L'ordre
des oiseaux, L'oiseau des sables, sont quelques-uns des titres des
nombreuses lithographies ou eaux-fortes au motif d'oiseaux.
« J'ai
vu passer de grands oiseaux. De cette vision, j'ai tiré des formes
aériennes. Les oiseaux m'ont inspiré. Le concept même, après le choc de
l'inspiration, les a fait se lever dans mon esprit, ce concept doit
s'effacer pour me rapprocher de ce qui me préoccupe : la construction du
fait pictural. »
Nés de son imagination, ces oiseaux sont à
contre courant de notre époque qui encense la nouveauté tapageuse, les
excès fiévreux, les nerfs à vif. Véritables poèmes picturaux, ils
invitent au silence, à la contemplation. « Qu'est-ce que j'entends par
« poésie » ? C'est pour un tableau ce qu'est la vie pour un homme. Mais
ne me demandez pas de la définir ; c'est ce pour quoi tout artiste doit
se battre et il doit le découvrir pour lui-même à travers son intuition.
Pour moi, c'est une question d'harmonie, de rapports, de rythme et - ce
qui est le plus important pour mon œuvre - de métamorphose ».
« Oublions
les choses, ne voyons plus que les rapports » dit-il encore. Pour
« Equinoxe », sur la page blanche, d'amples aplats de couleurs vives
répondent aux formes simples et arrondies. Pour suggérer l'écho de
l'envol, l'intensité de l'élan vital, il y convoque l'air, le vent, les
nuages, la lune et le soleil et enfin l'oiseau tendu vers un espace
illimité.
Paul Eluard, Jacques Prévert, Francis Ponge, René
Char, Pierre Reverdy, ils ont été nombreux à offrir leurs textes et
poèmes à l'inspiration de Georges Braque, et bien sûr Saint-John Perse
pour le magistral livre illustré « L'Ordre des Oiseaux ».
Ainsi ce poème prémonitoire de Paul Eluard, extrait du recueil « Capitale de la douleur », publié en 1924 !
Georges Braque
Un oiseau s'envole,
II rejette les nues comme un voile inutile,
II n'a jamais craint la lumière,
Enfermé dans son vol
II n'a jamais eu d'ombre.
Coquilles des moissons brisées par le soleil.
Toutes les feuilles dans les bois disent oui,
Elles ne savent dire que oui,
Toute question, toute réponse
Et la rosée coule au fond de ce oui.
Un homme aux yeux légers décrit le ciel d'amour.
Il en rassemble les merveilles
Comme des feuilles dans un bois,
Comme des oiseaux dans leurs ailes
Et des hommes dans le sommeil.