Technique mixte de 1965, tempera et feuilles de métal appliquées sur panneau de bois, signée par l'artiste.
Au
tout début de la guerre, Anna-Eva Bergman s'installe en Norvège. Elle
vient de quitter Hans Hartung, dont la nationalité allemande plongeait
le couple dans une situation très périlleuse. Après deux années
douloureuses, elle se lie d'amitié avec l'architecte octogénaire
Christian Lange qui l'initie à la technique de la pose de feuilles de
métal. L'artiste cherche sa voie, étudie entre autres l'histoire de
l'art, la philosophie, pressent et consigne dans ses carnets les
fondements de son œuvre à venir.
En 1950, Anna-Eva Bergman fait
une croisière dans l'extrême nord de la Norvège. Malgré le spectacle des
ruines de villes bombardées, elle garde de ce voyage, au confort plus
que spartiate, un souvenir ébloui de la nature souveraine. De ce choc,
peu à peu, elle creuse un nouveau langage intime et très personnel.
En
1952, son remariage avec Hans Hartung et son installation à Paris
marquent un tournant majeur dans son œuvre. La nature s'y infiltre par
élément isolé, dissocié de tout contexte, présent, tout en
monumentalité. Dans ses oeuvres, elle invite des motifs simples (pierre,
stèle, montagne, barque, océan, horizon), son nouveau vocabulaire
enraciné dans l'essence de son pays natal, la Norvège. Ses compositions
se parent de feuilles de métal, rehaussées de plusieurs glacis de
tempera à la caséïne. Elle participe au Salon de Mai en 1953, la
grandeur si singulière de ses oeuvres séduit de nombreux critiques et
les galeries européennes exposent désormais fréquemment ses travaux,
notamment la prestigieuse Galerie de France à Paris.
En 1964, elle se rend à nouveau en Norvège du Nord, cette fois avec
son époux Hans Hartung, en rapportant un millier de photographies et
d'esquisses. Ces documents seront le matériau de son œuvre à venir.
L'austérité du monde arctique sied à son âme exigeante, elle y puise des
éléments qu'elle embrase de lumière, à la lisière de l'abstraction et
de la figuration.
Cette œuvre splendide de 1965 trouve un écho
particulier dans cet extrait d'une interview accordée à A-magsinet en
1979:
« C’est du Finnmark et de la Norvège du Nord que je rêve. La
lumière me met en extase. Elle se présente par couches et donne une
impression d’espaces différents en même temps très très près et très
très loin. On a l’impression d’une couche d’air entre chaque rayon de
lumière et ce sont ces couches d’air qui créent la perspective. C’est
magique. »